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Amicale Spitfire

Voyage Varsovie-Prague-Budapest... en 1970 !

Une fois n'est pas coutume, cette histoire de Spit est "d'origine". Elle a été rédigée récemment par Yves Jougneau, propriétaire de cette Spit 4 rencontré au salon de Reims, vécue alors que sa voiture était vieille de cinq (terribles?) années.



Une Spit 4 à l'Est !

Voici quelques souvenirs et anecdotes accumulés au long d'un parcours héroïque de 7000 km à travers plusieurs pays de l'Est, parcours effectué en juillet 1970 avec un copain, Jean-Pierre, d'origine polonaise et dont la famille nous attendait.

Partis d'Auxerre, notre itinéraire nous emmena successivement à Strasbourg, Francfort, Leipzig, Francfort-sur-Oder, Sopot, Gdansk, Varsovie, Rszeszow, Cracovie, Auschwitz, Zakopane, Budapest, Bratislava, Prague, Vienne, Munich, Stuttgart, Strasbourg.

Après le départ au petit matin des environs d'Auxerre dans un brouillard pas possible, le carter de sortie de boîte casse près de Vitry-le-François. Faux départ ! Qu'à cela ne tienne, nous faisons remorquer la voiture, et prenons le train jusqu'à Reims, où je travaillais, pour chercher les pièces. Nous mettons les mains à la pâte comme mécanos au garage du coin, et tout est réparé pour un second départ le lendemain.

On pousse un peu pour rattraper le temps perdu, mais c'est sans compter sur le passage de la frontière de l'ex-Allemagne de l'est : paperasserie interminable, démontage du panneau derrière les sièges et dans le coffre, sans doute pas pour "admirer" le réservoir mais voir si ... il n'y a pas un passager clandestin ou...des armes ! Vérification de tous nos bouquins, guides, cartes, toutes les pages sont feuilletées une à une à la recherche de dollars planqués et non déclarés, finalement un douanier fait main basse sur notre lampe torche et un tube d'aspirine. Enfin, tard dans la nuit, un militaire ouvre à la clef le portail encadré par deux bunkers. La spit passe entre les deux mitrailleuses, surtout ne pas faire crisser les pneus...

Nous arrivons à Sopot près de Gdansk après 24 heures sans sommeil. Nous ne parlons pas polonais... Après une douche, nous voilà au restaurant avec le tonton à Jean-Pierre, et pour résultat, une première cuite à la vodka. Nous voyant très très malade, le lendemain, le tonton nous réveille avec une bouteille de "Spiritus" 90° !...

La Spit rencontre un incontestable succès auprès des polonaises, mais se prend aussi le crachat d'un anticapitaliste sur le capot...

Tout va bien pour la voiture, sauf des problèmes de carburation, dus au super pas super et même très ordinaire. Nous réglons les carbus de façon sans-doute désastreuse, mais ça roule ! En réalité, du vrai super existe dans quelques stations, et nous en avons trouvé la carte !

Un soir nous mettons le cap sur Varsovie, mais le brouillard est trop épais et nous prenons alors le premier chemin à droite et dodo. Nous nous réveillons au petit jour pour voir que le nez de la spit est deux mètres juste au-dessus d'un canal... Quelle frayeur !
A cause de l'état des routes, lors d'un arrêt nous procédons au resserrage de nombreux écrous un peu partout. C'est aussi l'occasion d'acheter 5 kg de framboises : nous arrivons à Varsovie avec une grosse colique !
Dans la capitale, l'échappement commence à se faire remarquer. Nous Faisons route chez un deuxième tonton à Jean-Pierre, haut placé à Rszészow alors par sécurité, la spit est garée ... chez les pompiers. Le planton à la barrière se met au garde à vous matin et soir, il y a un restaurant dansant, et c'est le 14 Juillet : nous buvons à nouveau vodka et champagne russe pour fêter l'événement et... re-cuite !

La Spit sert même de taxi pour conduire un français de rencontre prendre son avion à Varsovie. Cette fois le retour est en échappement libre, la traversée des villages est assez remarquée, et nous rafistolons au fil de fer...

En balade dans les Carpates, nous découvrons une route neuve. Nous en profitons pour faire un peu de vitesse et frôler un bus, évité de justesse. Le lendemain au freinage la Spit monte sur le trottoir, une fois, deux fois pour s'apercevoir que la roue avant droite est complètement indépendante : la biellette de direction est cassée ! Passé la frayeur rétroactive, nous réalisons que c'est une catastrophe, la pièce est introuvable en Pologne ! A la recherche d'un garage, nous trouvons un atelier d'entretien de matériel de travaux-publics : Le chef d'atelier nous conseille d'aller boire une bière pendant qu'il avise ! En revenant au bout d'une heure, nous trouvons deux ouvriers qui règlent le parallèlisme au cordeau, la bielette est neuve, ils l'on refaite au tour et remontée : chapeau !
Nous sommes abordés au restaurant par deux types qui veulent acheter la Spit. Nous hésitons : il y a 2000 $ en billets sur la table !
Nous nous receuillons à Auschwitz, où l'insigne de capot fait le bonheur d'un collectioneur : dommage qu'il l'aie arraché au tournevis...
Comme nous manquions de liquide de frein et qu'il était impossible de mélanger au produit polonais, un mécano nous propose de vidanger et rincer le circuit à la vodka, tirée de sa poche. Comme nous refusons, nous la buvons ! Nous avons été invités à un mariage en campagne, ou la Spit a eu beaucoup de succès au milieu des chevaux et des isbas. Partis pour l'après-midi, nous sommes restés deux jours !

En préparant notre retour, via la Hongrie, la Tchécoslovaquie, l'Autriche et l'Allemagne, tous avaient la larme à l'oeil. A force de cadeaux il y a... une vingtaine de bouteilles de différentes vodkas derrière les sièges, et un énorme sac de vaisselle en cristal dans le coffre. Nous sommes rentrés sans problème, nous avons eu le frisson à Prague en passant près des chars russes, nous avons eu très chaud et nous sommes baignés dans les étangs, nous n'avons jamais pu trouver le centre de Budapest, nous nous sommes baladés en calèche à Vienne, et nous sommes arrivés à la douane à Strasbourg à quatre heures du matin... Le contrôle des passeports fut très long, l'attente crispée pendant la visite éclair du coffre, mais nous sommes arrivés au pays !

Voilà, il y aurait encore de bonnes à raconter, comme le passage dans le plus luxueux palace de Cracovie, où la Spitfire fut traitée comme une Rolls, ou la carotte de terre arrachée à un talut et qui bouchait l'échappement...

Yves Jougneau
(publié dans le bulletin 53 de l'Amicale Spitfire)

Amicale Spitfire juillet 2001
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